Dès le confinement annoncé, le réseau des Banques Alimentaires s’est mobilisé pour assurer la continuité de l’aide alimentaire au niveau national – entre activité adaptée, sécurité renforcée et solidarité inter et intra-régionale. Entretien avec Laurence Champier, Directrice Fédérale de la Fédération Française des Banques Alimentaires.

Comment l’annonce du confinement a-t-elle été accueillie au sein des Banques Alimentaires ?

Laurence Champier : Nous suivions la situation de près ce qui nous a permis d’anticiper la décision. Une semaine avant l’annonce du confinement, nous avons envoyé à l’ensemble du réseau un modèle de Plan de Continuité de l’Activité qui a permis à l’essentiel des Banques Alimentaires de passer en mode dégradé très rapidement. Toutes ont fait le choix d’arrêter les ramasses dans les magasins pour se concentrer sur l’essentiel afin de fonctionner avec de petites équipes et en limitant les contacts.

Sans ramasse, comment fonctionne le réseau ?

LC : La priorité a été mise sur la distribution des produits secs que nous avions en stock. Certaines Banques Alimentaires ont mis en place des systèmes de drive afin que les associations viennent chercher les commandes préparées en amont ; d’autres ont choisi de préparer directement les colis pour les bénéficiaires… Il nous faut composer avec une réalité territoriale très différente : dans certains endroits, c’est plus de la moitié du réseau associatif qui s’occupe d’habitude de la distribution qui est à l’arrêt.

Les équipes de terrain ont suivi ?

LC : Nous avons été frappés par la mobilisation sans faille d’un cœur de bénévoles et de salariés qui nous ont immédiatement dit, « quoiqu’il arrive, on continue ». De nouveaux Gilets Orange ont rejoint aussi nos rangs pour l’occasion, ce qui nous a permis de dire à certains de nos bénévoles plus âgés, et donc plus fragiles, de rester chez eux. Il y a eu un élan vraiment formidable

Comment garantissez-vous la sécurité des bénévoles ?

LC : L’organisation mise en place dans les PCA permet de limiter au maximum les contacts, ce qui réduit automatiquement les risques. Ensuite, en termes d’équipements, certaines Banques Alimentaires ont réussi à se fournir localement et des partenaires nous aident également, même si la priorité doit rester au personnel soignant. La Fédération a passé des commandes de gel hydroalcoolique et de masques pour le réseau, mais les délais sont longs pour tout le monde. L’objectif est d’avoir assez d’équipements pour passer l’été, et que chacun puisse ensuite être autonome.

Craignez-vous de ne pas pouvoir tenir sur la durée ?

LC : Pas du tout. Le réseau dispose de stocks suffisants pour tenir plusieurs mois et nos bénévoles et salariés sont plus motivés que jamais. Et surtout, nous avons bénéficié d’une solidarité hors norme puisqu’en plus de nos mécènes habituels, nous avons eu de nombreux nouveaux soutiens, qu’il s’agisse de dons financiers, de produits, de matériel, d’aide logistique. Il y a également plus de 250 nouveaux partenaires associatifs et CCAS qui nous ont rejoint depuis le début de la crise. Il y a eu une réelle prise de conscience à la fois de l’importance de maintenir l’aide alimentaire partout en France et du rôle central joué par notre réseau au niveau national.

Et du côté de l’État ?

LC : Dès les premiers jours, nous nous sommes positionnés comme l’interlocuteur de l’administration centrale pour la gestion de crise sur l’aide alimentaire. En région, chaque Banque Alimentaire est entrée en contact avec les autorités locales afin de coordonner les actions au plus près du terrain, et éviter de laisser des territoires non-couverts. Notre logistique nous a permis de gérer les milliers de tonnes de denrées récupérées et de les répartir sur l’ensemble du territoire en un temps record.

Comment voyez-vous la fin d’année ?

LC : La crise a durement touché certaines populations et le nombre de bénéficiaires a explosé à certains endroits. Notre crainte est qu’il ne s’agisse pas seulement d’un pic lié à l’épidémie mais que la situation perdure. D’où l’importance de rester mobilisé pendant les mois qui viennent. Nous suivons de près les annonces du gouvernement et comptons sur la générosité des françaises et des français lors de la prochaine Collecte Nationale pour réapprovisionner nos stocks.

« 90% des Banques Alimentaires ont maintenu leur activité dès le premier jour »

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